Cameroun : Crise post-électorale, gare à l’inflation économique

Depuis la présidentielle du 12 octobre 2025, le Cameroun traverse une période d’incertitude politique qui pourrait avoir des répercussions économiques majeures. Si les tensions post-électorales ont d’abord été perçues comme un enjeu institutionnel, elles pourraient désormais se transformer en facteur aggravant d’une inflation déjà préoccupante. Entre paralysie des marchés, perturbation des chaînes d’approvisionnement et baisse de la confiance économique, le pays s’expose à une spirale de hausse des prix difficile à contenir.
Une crise politique aux effets économiques
La contestation des résultats de la présidentielle 2025, marquée par un bras de fer entre le gouvernement et le FSNC, a provoqué une série de blocages dans plusieurs villes du pays. À Yaoundé, Douala, Garoua ou Maroua, les “villes mortes”, les fermetures de marchés et les interruptions de transport ont paralysé l’activité économique pendant plusieurs jours. Cette situation a entraîné une rareté de certains produits de première nécessité, une hausse des coûts logistiques et une désorganisation des circuits commerciaux.
Ces perturbations, bien que temporaires, ont un effet direct sur les prix. Lorsque l’offre diminue et que la demande reste stable — voire augmente par effet de panique ou de stockage — les prix grimpent. C’est le mécanisme classique de l’inflation par pénurie, accentué ici par une instabilité politique persistante.
Un climat économique fragilisé
Au-delà des blocages physiques, la crise post-électorale affecte aussi la confiance des investisseurs et des commerçants. Plusieurs opérateurs économiques ont suspendu leurs activités ou ralenti leurs importations, craignant une dégradation du climat des affaires. Cette prudence, combinée à une incertitude sur la gouvernance future, freine les investissements et réduit la disponibilité des biens sur le marché.
Dans ce contexte, les prix à la consommation risquent de s’envoler, notamment dans les secteurs sensibles comme l’alimentation, le transport et l’énergie. Déjà en janvier 2025, l’inflation au Cameroun avait atteint 5,3 %, dépassant les prévisions officielles. Si la crise politique se prolonge, ce taux pourrait repartir à la hausse, avec des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des ménages.
Une spirale à surveiller
Le risque d’inflation post-électorale ne se limite pas à une hausse ponctuelle des prix. Il peut s’inscrire dans une spirale plus large, où la méfiance politique alimente la méfiance économique, et où chaque tension sociale devient un facteur de déséquilibre monétaire. Si les élections législatives et municipales de 2026 se déroulent dans un climat similaire, le pays pourrait entrer dans une phase de volatilité économique prolongée.
Les autorités monétaires devront alors arbitrer entre stabilité politique et stabilité des prix, dans un contexte où les marges de manœuvre budgétaires sont limitées. La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) pourrait être amenée à revoir ses taux directeurs, mais cela ne suffira pas à compenser les effets d’une crise politique non résolue.
Quelle sortie de crise ?
Pour éviter une aggravation de l’inflation, il est urgent de restaurer la confiance. Cela passe par :
• Une clarification institutionnelle sur les résultats électoraux
• Une réconciliation nationale sincère et inclusive
• Une relance économique ciblée, notamment dans les secteurs les plus touchés
Le rôle des partis politiques, des acteurs économiques et des médias est crucial pour éviter que la crise post-électorale ne devienne une crise sociale et économique durable.
La crise post-électorale au Cameroun n’est pas seulement une affaire de gouvernance ou de légitimité politique. Elle est aussi un facteur de déséquilibre économique, susceptible d’alimenter une inflation silencieuse mais dangereuse. Si rien n’est fait pour apaiser les tensions et relancer l’activité, le pays pourrait voir son tissu social fragilisé par une hausse des prix incontrôlée. Plus que jamais, l’urgence est à la stabilité, à la transparence et à la responsabilité collective.
La rédaction.
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