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Sais-tu pourquoi la Région de l’Adamaoua s’appelle "Adamaoua" ?

 

Contrairement aux autres régions du Cameroun, l’Adamaoua ne tire pas son nom d’un repère géographique, Adamaoua : une région, une mémoire, une exception dans la carte administrative du Cameroun

Contrairement aux autres régions du Cameroun, l’Adamaoua ne tire pas son nom d’un repère géographique, mais d’un homme : Modibbo Adama. Cette singularité n’est pas anodine. Elle révèle une histoire complexe, faite de conquêtes, de spiritualité, de résistance et de recomposition territoriale. L’Adamaoua est bien plus qu’un point sur la carte : c’est un territoire chargé de symboles, au cœur des dynamiques politiques et culturelles du pays.

Une exception dans la nomenclature administrative

Alors que les autres régions du Cameroun portent des noms géographiques (Centre, Nord, Extrême-Nord, Est, Ouest, Sud, Littoral, Nord-Ouest, Sud-Ouest), l’Adamaoua est la seule à porter un nom issu d’une figure historique locale. Ce choix, entériné lors de la réforme administrative de 1983, fait écho à l’héritage du chef peul Modibbo Adama, fondateur au XIXe siècle de l’émirat de Yola sous l’impulsion du califat de Sokoto. Il s’agit là d’un hommage à une mémoire régionale forte, incarnée dans le nom même du territoire.

 Modibbo Adama : l’homme derrière le nom

Modibbo Adama, né vers 1809, est un érudit peul, disciple de Ousmane Dan Fodio, chef du jihad peul qui a fondé l’empire de Sokoto. Chargé d’étendre l’islam dans la région du Haut-Bénoué, il fonde un vaste territoire politico-religieux qui s’étend sur l’actuel nord du Cameroun, une partie du Nigeria et du Tchad. Ce territoire est appelé Adamaoua par les colonisateurs allemands, puis français, en référence à son fondateur. Le nom devient ainsi un marqueur identitaire, bien au-delà de la simple désignation administrative.

 De province à région : une recomposition post-coloniale

Jusqu’en 1983, l’Adamaoua faisait partie de la grande province du Nord, aux côtés du Nord et de l’Extrême-Nord. La réforme administrative menée par le président Paul Biya scinde cette entité en trois régions distinctes, avec une volonté affichée de mieux représenter les identités locales. Le nom « Adamaoua » est conservé pour honorer l’héritage historique et culturel peul, tandis que les deux autres régions prennent des noms géographiques. Cette décision consacre l’Adamaoua comme une région à part, à la fois historique et politique.

 Un territoire stratégique et symbolique

L’Adamaoua est surnommée le « château d’eau du Cameroun », car plusieurs grands fleuves y prennent leur source : Sanaga, Bénoué, Vina. Elle est aussi une zone de transhumance et de commerce, reliant le sud forestier au nord sahélien. Sa capitale, Ngaoundéré, est un carrefour ferroviaire et culturel, marqué par la présence du lamidat, des chefferies traditionnelles et d’une diversité ethnique (Peuls, Gbaya, Mbum, Tikar…). Ce positionnement stratégique renforce son rôle dans les équilibres nationaux.

  Une région en quête de renouveau

Cette dynamique post-électorale pourrait faire de l’Adamaoua un laboratoire politique, où se joue la recomposition des alliances entre pouvoir central et territoires périphériques. Les jeunes leaders, les entrepreneurs locaux et les figures religieuses émergent comme des alternatives aux élites classiques. L’Adamaoua devient ainsi un terrain d’expérimentation pour une gouvernance plus inclusive, plus enracinée et potentiellement plus représentative.

 Entre mémoire et modernité

L’Adamaoua incarne une tension féconde entre mémoire et modernité. Son nom rappelle une histoire de spiritualité et de conquête, mais ses défis actuels sont ceux de l’inclusion numérique, de la valorisation des initiatives locales et de la mobilisation communautaire. C’est cette double identité — historique et contemporaine — qui fait de l’Adamaoua une région singulière, capable de porter une vision renouvelée du Cameroun.

Gontran Eloundou

+237 +673 933 132

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