Atanga Nji face au barreau camerounais une rencontre sans langue de bois.

La tenue entre Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, et le président du Barreau du Cameroun s'inscrit dans un contexte marqué par les débats post-électoraux liés au scrutin présidentiel du 12 octobre 2025. Au-delà de l'échange protocolaire, cette rencontre révèle des tensions institutionnelles et met en lumière les rapports complexes entre le pouvoir exécutif et les corps professionnels, en particulier les avocats.
Contexte juridique et institutionnel
Le Barreau du Cameroun, en tant qu'ordre professionnel, joue un rôle central dans la défense des droits et libertés, notamment en période électorale. Ses prises de position sur la transparence du processus électoral ont suscité des réactions au sein du gouvernement. Paul Atanga Nji, en sa qualité de ministre chargé de l'organisation administrative des élections, a tenu à rappeler que l'évaluation de l'action gouvernementale relève exclusivement du président de la République, Paul Biya, et non des avocats. Cette affirmation traduit une conception hiérarchisée du pouvoir, où les institutions professionnelles sont invitées à rester dans leur champ de compétence strictement judiciaire.
Sur le plan politique, cette rencontre illustre un bras de fer symbolique entre deux légitimités : celle du pouvoir exécutif, fondée sur la centralisation et l'autorité présidentielle, et celle du Barreau, qui revendique une fonction de veille démocratique et de contrôle citoyen. Le discours du ministre met en évidence la volonté du gouvernement de contenir l'influence des avocats dans le débat public, en limitant leur rôle à la sphère judiciaire. En revanche, la démarche du Barreau traduit une volonté d'élargir son champ d'action vers la défense de la transparence et de la gouvernance démocratique.
Cela révèle les tensions inhérentes à la décentralisation du pouvoir et à la montée en puissance des acteurs de la société civile. Elle souligne la difficulté de concilier une gouvernance centralisée avec les aspirations des institutions professionnelles à jouer un rôle plus actif dans la régulation politique. Sur le plan sociétal, elle a mis en lumière la place croissante des avocats dans le débat public camerounais, en tant que porte-voix des préoccupations citoyennes sur la transparence électorale et la légitimité institutionnelle.
La rencontre entre Paul Atanga Nji et le président du Barreau du Cameroun dépasse le cadre protocolaire : elle illustre les tensions entre l'État et les corps intermédiaires dans la construction d'une gouvernance démocratique. Elle pose la question de l'équilibre entre autorité politique et contrôle citoyen, et révèle les enjeux institutionnels d'un pays en quête de consolidation démocratique. Pour le Cameroun, cette dynamique pourrait ouvrir la voie à une redéfinition des rapports entre pouvoir exécutif et société civile, dans un contexte où la transparence et la légitimité électorale deviennent des exigences incontournables.
Gontran Eloundou
Analyste politique
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