
Tensions électorales et fragilités économiques : un tournant pour le Cameroun
À l'approche de l'élection présidentielle du 12 octobre 2025, le Cameroun traverse une période d'incertitude politique qui pèse lourdement sur son climat économique. Les interrogations autour de la candidature de Paul Biya, âgé de 92 ans, cristallisent les inquiétudes sur la stabilité et la gouvernance future du pays .
Une incertitude politique aux effets économiques tangibles
L'économie camerounaise, déjà fragilisée par des années de croissance inégale et de tensions sociopolitiques, entre dans une zone de turbulence. Les acteurs économiques (investisseurs, entrepreneurs, bailleurs) adoptent une posture attentiste, freinant les décisions d'investissement et les projets de développement.
La candidature de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, suscite des interrogations sur la capacité du régime à impulser une dynamique économique renouvelée. L'absence de clarté sur la politique successorale alimente les spéculations et accentue la possibilité des marchés locaux. Des signaux économiques préoccupants, Plusieurs indicateurs témoignent de cette fragilité :
Ralentissement des investissements directs étrangers, en raison du manque de visibilité politique :
Le ralentissement des investissements directs étrangers (IDE) s'explique en grande partie par le manque de visibilité politique qui affecte la confiance des acteurs économiques. Lorsqu'un pays traverse une période d'incertitude institutionnelle, de tensions électorales ou d'instabilité réglementaire, les investisseurs hésitent à engager des capitaux dans des projets à long terme. Cette incertitude freine les décisions d'implantation, de partenariat ou d'expansion, car elle rend difficile l'évaluation des risques et la projection des rendements. Les entreprises étrangères recherchent des environnements prévisibles, où les règles du jeu sont claires et stables. En l'absence de garanties sur la gouvernance, la transparence ou la continuité des politiques publiques, les flux sûrs d'IDE se redirigent vers des marchés jugés plus. Ce phénomène peut ralentir la croissance. La visibilité politique devient ainsi un levier stratégique pour attirer des capitaux et stimuler le développement.
Hausse du coût du crédit, liée à la perception accumulée du risque payeur.
La hausse du coût du crédit enregistrée est étroitement liée à une perception accumulée du risque pays par les bailleurs de fonds et les institutions financières. Lorsque les indicateurs de stabilité politique, de gouvernance ou de solvabilité se dégradent, les prêteurs exigent des taux d'intérêt plus élevés pour compenser le risque de défaut. Cette situation pénalise les entreprises locales, qui voient leurs charges financières augmenter, et freine les investissements productifs. Les ménages sont également touchés, avec un accès plus difficile à la consommation. À long terme, cette dynamique peut ralentir la croissance économique et accentuer les inégalités. Pour restaurer la confiance, il est essentiel d'améliorer, la stabilité institutionnelle et la qualité des politiques publiques. La maîtrise du risque pays devient ainsi un levier stratégique pour assainir le climat financier.
Les opérateurs économiques redoutent une instabilité post-électorale qui pourrait affecter les chaînes d'approvisionnement, les infrastructures stratégiques et les relations commerciales régionales.
Gouvernance économique : le cœur du débat
Au-delà des candidatures, la présidentielle de 2025 pose la question de la gouvernance économique. Les attentes sont fortes :
Réformes structurelles pour améliorer la compétitivité et l'environnement des affaires :
À l'approche de l'élection présidentielle de 2025 au Cameroun, les réformes structurelles visant à améliorer la compétitivité et l'environnement des affaires prennent une dimension. Dans un contexte marqué par le ralentissement des investissements et la montée des incertitudes, les candidats sont appelés à proposer des mesures concrètes pour assainir le climat économique. La simplification des démarches administratives, la lutte contre la corruption et la modernisation du cadre fiscal figurent parmi les attentes prioritaires des acteurs économiques. Ces réformes sont perçues comme des leviers essentiels pour attirer les investissements, soutenir l'entrepreneuriat local et favoriser la création d'emplois. Leur mise en œuvre dépendra fortement de la volonté politique exprimée dans les programmes électoraux. Ainsi, le scrutin de 2025 représente une opportunité décisive pour refonder la gouvernance économique et renforcer la confiance des partenaires financiers. Un engagement clair en faveur de ces réformes pourrait redéfinir les perspectives de croissance du pays
Lutte contre la corruption, qui mine la confiance des investisseurs :
La lutte contre la corruption constitue un enjeu central dans le contexte de l'élection présidentielle de 2025 au Cameroun, tant elle conditionne la confiance des investisseurs et la crédibilité des institutions. Les pratiques corruptives, qu'elles soient liées à l'attribution des marchés publics, à la fiscalité ou à l'accès aux services, freinent les investissements directs étrangers et pénalisent l'initiative privée. À l'approche du scrutin, les candidats sont appelés à formuler des engagements clairs en matière de transparence, de reddition des comptes et de réforme des organes de contrôle. Une gouvernance plus intégrer renforcerait l'attractivité du pays, tout en favorisant une meilleure allocation des ressources. Les milieux d'affaires, tant locaux qu'internationaux, scrutent les programmes politiques à la recherche de signaux forts sur ce front. Ainsi, la lutte contre la corruption ne relève pas seulement d'un impératif moral, mais devient un levier stratégique pour relancer la croissance et restaurer la confiance. Le scrutin de 2025 pourrait marquer un tournant décisif dans cette dynamique.
Investissements dans les secteurs porteurs, comme l'agro-industrie, le numérique et les énergies renouvelables :
À l'approche de l'élection présidentielle de 2025 au Cameroun, les investissements dans les secteurs porteurs tels que l'agro-industrie, le numérique et les énergies renouvelables apparaissent comme des axes stratégiques pour relancer l'économie et répondre aux défis sociaux. Ces domaines offrent un fort potentiel de création d'emplois, de valorisation des ressources locales et de transition vers un modèle plus durable. Les candidats sont ainsi interpellés sur leur capacité à proposer des politiques incitatives, des cadres adaptés et des mécanismes de financement innovants. L'agro-industrie peut renforcer la souveraineté alimentaire, le numérique stimuler l'inclusion et la compétitivité, tandis que les énergies renouvelables réduisent la dépendance aux sources fossiles. L'horizon 2025 devient alors une opportunité pour redéfinir les priorités économiques et attirer des investissements responsables. Un engagement clair sur ces secteurs pourrait transformer le paysage productif du Cameroun et renforcer sa résilience. Les Camerounais, confrontés à un chômage élevé et à une inflation persistante, attendent des réponses concrètes sur leur pouvoir d'achat et leur avenir économique.
Une élection aux répercussions régionales
L'élection présidentielle de 2025 au Cameroun ne se limite pas à un enjeu national : elle pourrait avoir des répercussions économiques majeures à l'échelle régionale. En tant que puissance pivot en Afrique centrale, le Cameroun joue un rôle stratégique dans les échanges commerciaux, les corridors logistiques et la stabilité monétaire de la zone CEMAC. Une transition politique apaisée et porteuse de réformes pourrait renforcer la confiance des investisseurs dans l'ensemble de la sous-région, stimuler les flux économiques transfrontaliers et encourager l'intégration des marchés. À l'inverse, une élection marquée par des tensions ou une incertitude prolongée risquerait de freiner les dynamiques de coopération et d'affaiblir les perspectives de croissance partagée.
Les partenaires économiques du Cameroun, notamment le Tchad, le Gabon, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine, suivent de près le déroulement du processus électoral, conscients de son impact potentiel sur la stabilité régionale. Les décisions politiques prises à Yaoundé peuvent influencer les politiques douanières, les investissements dans les infrastructures communes, ou encore les orientations de la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC). De plus, les engagements des candidats en matière de gouvernance, de lutte contre la corruption et de relance économique sont scrutés comme des signaux pour l'ensemble de la zone. Ainsi, l'élection de 2025 représente une opportunité de repositionner le Cameroun comme moteur de transformation régionale, à condition que les choix politiques soient porteurs d'ouverture, de transparence et de vision stratégique.
La présidentielle du 12 octobre 2025 dépasse le cadre politique : elle est un test de résilience pour l'économie camerounaise. Dans un contexte de vieillissement du leadership, de tensions sociales et de défis structurels, le pays doit choisir entre continuité incertaine et renouveau économique. L'examen sera déterminant pour l'avenir du Cameroun, et au-delà, pour l'équilibre de toute la sous-région.
Paul Nanga
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