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Cameroun : la réconciliation nationale plus qu’une option, une urgence historique, politique et humaine.

Depuis la présidentielle du 12 octobre 2025, le Cameroun est traversé par une onde de choc politique et sociale. Les résultats contestés, les désolidarisations régionales, les rancunes historiques ravivées et les fractures communautaires ont mis en lumière une vérité que l'on ne peut plus ignorer : le pays est divisé, et la réconciliation nationale est devenue vitale.

Des blessures anciennes jamais cicatrisées

Le Cameroun porte en lui les stigmates de conflits politiques profonds. La guerre du maquis dans les années 1950, qui a vu l'assassinat de personnages comme Ruben Um Nyobè, a laissé un jeu ouvert dans la mémoire du peuple Bassa. Ces dirigeants, porteurs d'un idéal d'indépendance et de justice, ont été éliminés sous le régime d'Ahmadou Ahidjo, premier président originaire du Nord. Cette répression a nourri une rancune historique persistante, qui ressurgit aujourd'hui dans les choix électoraux et les alliances politiques.

Une fracture entre l'État et les communautés

Le fossé entre l'État central et les communautés locales s'est élargi, notamment dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO). La crise anglophone, qui dure depuis 2016, a engendré des milliers de morts, des déplacements massifs et un défi profond envers les institutions. L'assassinat du député Abe Michael en octobre 2025 à Ndu, dans le Nord-Ouest, illustre la persistance de l'insécurité et l'absence de dialogue réel. Dans le Nord, autrefois bastion du pouvoir, la désillusion est palpable. Le rejet de Cabral Libii après son procès contre Robert Kona, fondateur du PCRN, a accentué le désamour entre les élites du Centre et les populations septentrionales.

Une désolidarisation Bassa-Nord qui interroge

Lors de la présidentielle, les électeurs Bassa ont massivement voté pour Paul Biya, refusant de soutenir Issa Tchiroma, pourtant présenté comme l'alternative. Ce choix traduit une désolidarisation politique entre les peuples du Sud et du Nord, nourrie par des mémoires conflictuelles et des absences de reconnaissance mutuelle. Le vote est devenu un acte identitaire, révélant une fragmentation du sentiment national.

Une révolte populaire étouffée

La contestation post-électorale, portée par les partisans d'Issa Tchiroma, n'a pas trouvé d'écho national. Les appels à la mobilisation ont été dispersés, les oppositions divisées et la rue silencieuse. Cette révolte populaire avortée montre que sans unité, sans récit commun, sans reconnaissance des douleurs collectives, aucune transition ne peut émerger. Le peuple camerounais est en attente d'un geste fort, d'un signal de réparation.

Le rôle central du chef de l'État

Dans ce contexte, le chef de l'État a un rôle irremplaçable. Il est le garant de l'unité nationale, le porteur du récit commun, le médiateur des mémoires blessées. Paul Biya, réélu pour un huitième mandat avec 53,66 % des voix, un appel é à « bâtir un Cameroun de paix et d' unité é » . Mais au-delà - des mots, il lui revient de poser des actes : reconnaître les injustices passées , ouvrir un dialogue inclusif, initier une réforme institutionnelle, et surtout, incarner la réconciliation .

Une réconciliation à construire, pas à décréter

La réconciliation nationale ne se décrète pas dans un discours. Elle se construit dans les faits : par la justice, par la mémoire, par la reconnaissance des diversités. Elle suppose de repenser le contrat social, de redonner la parole aux territoires, de valoriser les cultures locales, et de réparer les humiliations historiques. Le Cameroun ne peut se projeter vers l'avenir sans souder ses dettes du passé.

Pour un Cameroun réconcilié, pluriel et juste

 

 

L'heure est lieu de dépasser les clivages ethniques, les rancunes régionales et les calculs partisans. Le Cameroun a besoin d'un projet national inclusif, porté par une volonté politique forte et une mobilisation citoyenne sincère. La réconciliation est le socle de toute démocratie durable. Et en 2025, elle est le seul chemin possible pour éviter l'effondrement du lien national.

Gontran Eloundou

Analyste politique 

+237 673 933 132

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