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Cameroun : Election Présidentielle, voici le phénomène qui perturbe les électeurs.

Le phénomène de la communautarisation en politique n'est pas une nouveauté au Cameroun. Si parler du tribalisme en politique reste un tabou, l'on sait que la forte présence du repli identitaire est un secret de polichinelle dans le jeu électoral.

 

 Parler du tribalisme en politique devrait moins susciter des émotions, mais un regard plus stratégique dans le jeu politique. Regarder la scène politique sur cet angle devrait être un impératif pour ceux qui souhaitent comprendre les dangers réels qui structurent le choix de l'électeur au Cameroun.

À l'approche du scrutin du 12 octobre 2025, l'opinion publique nationale et internationale observe spécialement le Cameroun et conclut à la difficulté d'une possibilité d'alternance due à la trop forte communautarisation de la scène politique. Ce phénomène a pour conséquence le statu quo que l'on observe dans le renouvellement de la classe politique qui ne parvient toujours pas à se défaire de son élan communautaire.

Les partis politiques et la tribu

Comme nous avons pu l'observateur, l'organisation politique s'appuie sur des partis politiques dont les dirigeants sont souvent des représentants malgré eux des différents grands groupes communautaires. L'on peut ainsi voir que pour l'élection de 2025 la liste électorale présente 12 candidats dont les origines partisanes respectent dans une certaine mesure le principe de la représentativité tribale. Chaque grand groupe tribal a son parti politique et aussi un candidat de préférence.

Comme nous le voyons, le grand Nord, cette année, à deux candidats ; les anciens ministres Bello bouba Maïgari et Issa Tchiroma Bakary. Ces deux fortes personnalités de la politique au Cameroun ont pour soutenir la majorité des peuples du Nord qu'ils soient chrétiens ou musulmans. Les autres communautés influentes ont aussi des représentants. Les Bassas et les communautés du littoral ont une tendance pour cabral Libii du PCRN, le candidat faisant office de représentant de la communauté Bamileke est Pierre Kwemo, qui profite de l'absence de Maurice Kamto. Le groupe anglophone quant à lui est représenté par le SDF de Joshua OSIH. Et Tomaïno est le candidat des électeurs originaires du NOUN.

Bien que l'on ait une nouveauté, celle de voir certains partis qui dont l'encrage électoral est par la tribu, présenter pour cette élection des candidats d'autres communautés. Cette stratégie, vise à conquérir d'autres viviers électauraux. Le Parti de l'Alliance Libérale (PAL) bien qu'ayant un encrage électoral dans le centre précisément dans la LEKIE a pris l'option de proposer un candidat venu de l'aire dite anglophone à savoir Seta Caxton Atéki. Ces exemples ne sont pas exhaustifs Le PCRN est un parti dont les origines sont de zone septentrionale, à un candidat venu du centre et d'origine Bassa. Chaque candidat et chaque parti a un rapprochement naturel avec l'électorat de sa communauté d'origine. Bien que certains chefs de partis doivent conclure des alliances avec les acteurs politiques, il en ressort que l'origine du parti politique, ainsi que l'origine du candidat de ce parti, sont des éléments déterminants dans le choix dit rationnel des électeurs appelés aux urnes.

Pourquoi les acteurs politiques surfent sur le tribalisme ?

Qu'ils le veuillent ou non, les acteurs politiques ne pourraient se défaire de leur appartenance à la tribu. Les peuples voient en ceux-ci leur représentant, leur porte-parole. Cette situation cristallise le débat politique entre partisans ou communicants de ces partis politiques. Ils ont du mal à imposer leur idéologie et surtout se défaire de l'estampille tribaliste que porte chaque parti politique au Cameroun. Pourquoi les électeurs au Cameroun ne veulent plus voter objectivement et s'attarde plus sur le rapprochement vers la tribu au détriment d'une réflexion objective.

Quelle position pour le peuple

Les populations depuis les années 1990 ont géré ce qui est considéré comme une réponse identitaire en politique. Déçus par le dénouement du scrutin présidentiel, les électeurs camerounais n'ayant plus confiance en leurs acteurs politiques, ont préféré se répondre sur la tribu comme élément de garanti de la confiance. Les discours des acteurs politiques qu'ils soient du pouvoir ou de l'opposition n'ont pas pris en considération, le fait que les électeurs camerounais, ont vu dans le vent du libéralisme politique, une occasion pour eux de se défaire du réplique identitaire. Le score du chef de fil de l'opposition prouve que les électeurs d'alors n'ont pas considéré sa tribu comme élément déterminant de leur choix. Les acteurs politiques d'alors, ont plongé dans la peur ces populations qui ont exprimé le désir d'alternance. La conséquence de cette action a créé une réaction auprès des populations qui voyaient donc tous les autres hommes politiques n'étant pas de la même aire géographique d'un mauvais œil.

En 2025, la recrudescence du discours tribal refait surface à l'approche des élections. Certains hommes politiques de l'opposition accusent le pouvoir d'instaurer le tribalisme. D'autres se présentent en victimes et accusent le pouvoir d'être leur bourau. Par ailleurs le parti au pouvoir, lui accuse les partis d'opposition d'être des partis tribaux où dont le recrutement des militants ne se fonde que sur leur rapprochement anthropologique avec les dirigeants de ces formations politiques. Le peuple ainsi se fait complice de ce tribalisme et n'intègre pas dans le choix le principe de la rationalité et préfère s'accrocher aux émotions.

Pourquoi voter pour le « frère » et non pour un programme ?

La tradition dans la gouvernance au Cameroun est une affaire d'équilibre anthropologique. Le pouvoir en place dans sa logique d'équilibre répartit les postes ministériels en imposant de récompenser chaque aire géographique en lui attribuant un poste gouvernemental. Les hommes politiques de l'opposition profitent du vide politique qui se manifeste par le déséquilibre et l'inégalité dans la répartition et la gestion des politiques de développement infrastructurelle, surfant sur la vague de déception des populations en pointant du doigt le favoritisme ethnique comme étant la cause de leur malheur. Voila pourquoi les acteurs politiques ne proposent pas de solutions idéologiques réelles, préférant surfer sur la tribu comme argument politique.

Voter avec raison.

Choisir rationnellement un candidat c'est d'abord prendre conscience de sa voix au sein du mécanisme électrique. Prendre conscience ici revient à faire une introspection de sa condition et souhaiter un changement. Le changement intervient non pas sur la base du patronyme du candidat à choisir, mais sur la capacité à s'informer suffisamment sur l'idéologie du dit candidat et aussi sur le programme politique par lui proposant. Le raisonnement par la tribu aujourd'hui est une erreur qui commettent la plupart des Camerounais.

Si chacun choisi sa tribu pour le vote, cela crée sur le terrain un émiettement de l'électorat qui garantira au parti qui réussit à mobiliser le plus de militants d'être toujours vainqueur. Dans ce cas, le RDPC dont la représentativité n'est plus à démontrer, est le seul parti qui peut bénéficier d'une victoire. Ses élites politiques venant de tous les bords tribaux bénéficient des moyens de l'Etat et peuvent mobiliser ainsi plus d'électeurs afin de gagner cette élection présidentielle. Il est impérieux que les leaders de partis se rassemblent autour d'un programme et que ceux-ci s'accordent autour d'un candidat afin de donner un mot d'ordre de vote qui va permettre peut-être de renverser la tendance politique. Cela nécessite que ces hommes et femmes politiques se débarrassent de cette tare congénitale que l'on appelle le tribalisme. 

Gontran ELOUNDOU

Analyste politique.

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