
Présidentielle 2025 : l’opposition camerounaise, entre espoir, fragmentation et manque d’ambitions
À moins d'un mois du scrutin présidentiel, l'annonce d'une coalition de l'opposition autour d'un « candidat consensuel » a suscité autant d'espoir que de scepticisme. Portée par l'initiative « Union pour le changement 2025 », cette tentative de rassemblement, incarnée par la désignation d'Issa Tchiroma Bakary comme porte-étendard, révèle les tensions persistantes et les limites structurelles de l'opposition camerounaise.
Onze candidats, zéro stratégie commune
Face à Paul Biya, candidat à un huitième mandat à 92 ans, onze prétendants se disputer les suffrages dans un examen à tour unique. Cette dispersion, qualifiée par certains analystes de « suicide politique collectif » , affaiblit m é caniquement toute chance d' alternance . Chaque voix divisée é e renforce le candidat sortant, dans un système me é électoral qui ne pré voit pas de second tour.
Le passage en force avorté d'Issa Tchiroma
Le 13 septembre 2025, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de la Communication et président du FSNC, a été désigné candidat consensuel par un groupe de partis d'opposition, dont le Manidem, l'AFP et l'UFDC. Cette annonce, faite sans concertation avec les principales figures de l'opposition comme Maurice Kamto (MRC), Joshua Osih (SDF) ou Bello Bouba Maïgari (PNUD), a immédiatement suscité des critiques.
Le MRC, par la voix de Mamadou Mota, a énoncé une procédure opaque et exclusive. Le SDF est allé plus loin, accusant le pouvoir en place de financer cette coalition pour semer la confusion. Ces réactions traduisent une fracture profonde entre les partis engagés dans la démarche et ceux qui s'en distancient.
Une opposition morcelée
Loin d'un front uni, l'opposition camerounaise se divise en plusieurs blocs concurrents : Le groupe de Douala, initiateur de l'Union pour le changement Le Groupe de Douala est une plateforme informelle de médiation politique, composée principalement de figures de l'opposition camerounaise, d'intellectuels et de membres de la société civile. À l'approche de la présidentielle de 2025, ce groupe s'est illustré par sa volonté de fédérer les forces d'opposition autour d'un candidat consensuel du peuple. Le Groupe de Douala est composé notamment de : Anicet Ekane – Président du MANIDEM (Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie), Djeukam Tchameni ancien candidat à la présidentielle, militant panafricaniste Cyrill Sam Mbaka, figure politique et membre actif des concertations de l'opposition.
Le MRC, engagé dans des consultations parallèles :
le MRC poursuit une démarche parallèle, fondée sur la recherche d'une coalition crédible, mais en dehors des mécanismes jugés opaques ou précipités. Cette posture reflète une volonté de peser dans le débat politique tout en préservant son autonomie stratégique. Le MRC, par la voix de Mamadou Mota, président par intérim, a clairement indiqué que le processus de désignation du candidat consensuel s'est déroulé « sans nous ». Le parti n'a pas participé aux réunions du Groupe de Douala et annonce qu'il communiquera sa position officielle « par l'intermédiaire d'une de nos voix les plus autorisées ».
Des figures emblématiques… mais isolées
Des personnalités comme : Cabral Libii , Akere Muna , Joshua Osih ou Hermine Ndam Njoya incarnent des courants politiques distincts, parfois complémentaires. Pourtant, aucune plateforme commune n'a émergé, malgré les appels répétés à l'unité.
Le Pr Charlemagne Messanga Nyamding, pourtant proche du pouvoir, l'a reconnu : « Si Kamto, Cabral, Akere Muna, Osih et Ndam Njoya se mettent ensemble, nous sommes battus. Mais ils ne le feront pas » . Cette lucidité , partagée par de nombreux observateurs, souligne l' incapacité chronique de l'opposition à dépasser les logiques de personnalisation .
Si Issa Tchiroma Bakary affirme vouloir « rassembler tous les Camerounais » et proposer un programme de transition politique, de réconciliation nationale et de réforme constitutionnelle, sa désignation reste perçue par certaines comme une manœuvre politique plus qu'un véritable consensus.
Le fait qu'il avait été ministre sous le régime qu'il prétendait combattre des interrogations sur sa capacité à incarner le changement. Plusieurs dirigeants de l'opposition ont exprimé leur volonté de poursuivre les échanges, mais sans adhérer à cette candidature.
Enjeux et perspectives
La présidentielle de 2025 se déroule dans un contexte marqué par :
L'invalidation de la candidature de Maurice Kamto par le Conseil constitutionnel. Initialement candidat sous la bannière du MANIDEM, Kamto a vu sa candidature rejetée pour cause de « double investiture », une décision qualifiée par ses partisans de « forfaiture » et d'« juridiction arbitraire ».
En réaction, Maurice Kamto a annoncé son retour à la tête du MRC, après avoir quitté le MANIDEM, dans une tentative de remobilisation de ses soutiens et de repositionnement stratégique. Parallèlement, les efforts de coalition entre partis d'opposition peinent à aboutir, malgré les initiatives du Groupe de Douala et les consultations entre dirigeants comme Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari.
• L'absence de réforme du Code électoral : L'absence de réforme du Code électoral au Cameroun à l'approche de la présidentielle du 12 octobre 2025 constitue l'un des points les plus sensibles du débat politique actuel. Malgré les multiples appels de l'opposition et de la société civile
• La crise anglophone toujours latente : La crise anglophone au Cameroun, bien que souvent reléguée au second plan dans les discours officiels, reste une pièce ouverte dans le paysage politique et sécuritaire du pays. À l'approche de la présidentielle du 12 octobre 2025, les événements récents rappellent que le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (NOSO) est loin d'être résolu.
· Une société civile en quête de repères : Alors que le Cameroun s'apprête à vivre une nouvelle échéance électorale majeure, la société civile apparaît comme un acteur essentiel mais encore fragile et dispersé. Entre initiatives locales, plaidoyers nationaux et tentatives de structuration, elle cherche à redéfinir son rôle dans un paysage politique dominé par les partis traditionnels et les logiques institutionnelles.
· La jeunesse, veut le changement mais l'opposition ne l'écoute pas . En quête d'opportunités, les jeunes restent absents des discours structurants de campagne. La question du chômage, la question des politiques d'insertion, l'amélioration du pouvoir d'achats. L'absence de politique agricole.
Une ambition réduite à des candidatures de témoignage
Dans ce contexte, la plupart des candidatures apparaissent comme des postures individuelles , sans perspective de victoire ni stratégie de coalition. Même les figures les plus médiatisées semblent jouer leur partition en solo , espérant capitaliser sur une dynamique locale ou sur une surprise électorale improbable. Issa Tchiroma, ancien ministre de Paul Biya, tente de se réinventer en candidat du changement. Mais son passé gouvernemental et le manque de soutien réel à sa candidature fragilisent sa posture.
Dans ce paysage, la coalition de l’opposition apparaît comme une tentative de convergence, révélant plus les failles du système partisan qui sa capacité à se réinventer. La prétendue coalition de l'opposition camerounaise, bien qu'ambitieuse dans son discours, peine à convaincre dans sa forme. Elle illustre les défis structurels de l'alternance politique au Cameroun : absence de coordination, méfiance entre acteurs, et manque de vision partagée. Pour espérer peser face au pouvoir en place, l'opposition devra dépasser les logiques de personnalisation et construire une plateforme réellement inclusive et transparente.
Gontran ELOUNDOU
Analyste Politique
présidentielle 2025 Cameroun, enjeux électoraux 2025, participation politique des jeunes, YapeeInfo
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