Prestation de serment : que va dire Paul Biya face à la crise post-électorale ?

Alors que le Cameroun sort à peine d'une présidentielle tendue, la prestation de serment de Paul Biya, prévue dans les prochains jours, s'annonce comme un moment décisif. Réélu pour un huitième mandat avec 53,66 % des voix, le chef de l'État devra prononcer un discours qui dépasse le protocole pour répondre aux fractures politiques, sociales et économiques du pays.

Une présidentielle sous tension

La présidentielle du 12 octobre 2025 a laissé derrière elle un climat de crise post-électorale inédit. Le FSNC, arrivé deuxième avec 35,19 %, conteste les résultats et accuse le gouvernement de « forfaiture électorale ». Des manifestations, des « villes mortes » et des appels à la mobilisation ont paralysé plusieurs régions, notamment le Nord, l'Adamaoua et le Littoral.

Dans ce contexte, la tribalisation du débat politique et les tensions identitaires ont fragilisé le tissu national. Le discours de Paul Biya sera donc scruté pour sa capacité à apaiser, rassembler et relancer.

Que pourrait dire Paul Biya ?

 Appel à l'unité nationale

Face aux divisions post-électorales, Paul Biya pourrait lancer un appel à la réconciliation nationale, insistant sur la nécessité de dépasser les clivages ethniques et politiques. Ce message serait crucial pour restaurer la confiance et préparer les élections municipales et législatives de 2026.

Défense des institutions

Sans citer nommément l'opposition, le chef de l'État pourrait dénoncer les « manœuvres de déstabilisation » et réaffirmer la légitimité des institutions, notamment du Conseil constitutionnel. Ce passage viserait à renforcer l'autorité de l'État tout en appelant au respect du cadre républicain.

Un discours à double enjeu

La prestation de serment ne sera pas qu’un rituel constitutionnel. Elle incarne un tournant politique où le président devra choisir entre continuité et ouverture. Le ton, les mots et les silences seront analysés par les partis, les chancelleries et les citoyens. Dans un pays où la stabilité politique est souvent présentée comme un gage de paix, mais aussi comme un frein à l'alternance, ce discours pourrait redéfinir les rapports de force et les perspectives de dialogue.

Le Cameroun est à la croisée des chemins. Entre crise post-électorale, inflation économique, tribalisation du débat et contestation politique, la parole présidentielle est attendue comme un signal fort. Paul Biya, en prêtant serment, ne s'adressera pas seulement aux institutions : il parlera à une nation en quête de repères, de justice et de cohésion.

Gontran Eloundou

Analyste politique