Le FSNC survivra-t-il à la crise post-électorale?
Depuis la présidentielle du 12 octobre 2025, le Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC) vit une séquence politique inédite. Porté par Issa Tchiroma Bakary, le parti a réalisé une percée spectaculaire en arrivant deuxième avec 35,19 % des voix, s’imposant dans des régions clés comme l’Adamaoua, le Nord, le Littoral et l’Ouest. Mais cette dynamique électorale s’est immédiatement heurtée à une crise post-électorale profonde, marquée par un bras de fer ouvert entre le FSNC et le gouvernement en place.
Issa Tchiroma refuse de reconnaître les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel, qu’il qualifie de “forfaiture”. Dans ses déclarations publiques, il revendique sa victoire et appelle les Camerounais à défendre pacifiquement “la vérité des urnes”. Ce positionnement frontal, nourri par la compilation de procès-verbaux que le FSNC considère comme probants, a radicalisé le climat politique. Le leader du parti évoque désormais une “troisième étape” de son combat, qui pourrait inclure des actions de désobéissance civile ou de mobilisation populaire.
Ce bras de fer inquiète les observateurs. Le gouvernement, resté silencieux mais vigilant, pourrait réagir par des mesures administratives ou judiciaires. Déjà, des tentatives d’interpellation d’Issa Tchiroma ont été signalées à Garoua, et des accusations de cyberattaques et de corruption visant à déstabiliser le FSNC ont été publiquement dénoncées par le parti. Dans ce contexte, la menace d’une suspension du FSNC n’est plus théorique. Si les autorités estiment que le parti trouble l’ordre public ou remet en cause les institutions de manière “illégale”, elles pourraient invoquer des dispositions du code électoral ou de la loi sur les partis politiques pour le neutraliser.
Pourtant, à ce jour, aucune décision officielle n’a été prise en ce sens. Le FSNC reste légalement inscrit et conserve, en théorie, sa capacité à participer aux législatives et municipales de février 2026. Mais cette participation dépendra de plusieurs facteurs : le respect des délais de dépôt, l’absence de poursuites contre ses dirigeants, et surtout, la capacité du parti à éviter les pièges institutionnels dans un système où les lois sont souvent interprétées de manière restrictive.
Malgré ces incertitudes, le FSNC bénéficie d’un capital politique inédit. Sa base militante est mobilisée, notamment dans les zones urbaines et les régions septentrionales. Le parti multiplie les canaux de communication — radio, WhatsApp, TikTok, Facebook — pour maintenir la pression et structurer son message. Cette mobilisation pourrait se traduire par une forte présence dans les conseils municipaux, à condition que le parti réussisse à transformer sa dynamique présidentielle en implantation locale.
Mais pour survivre à cette crise, le FSNC devra aussi penser au-delà de son leader. Issa Tchiroma, bien qu’emblématique, ne peut incarner seul l’avenir du parti. Il est crucial de former de nouveaux porte-voix régionaux, de valoriser les enjeux municipaux concrets (eau, routes, éducation, santé), et de proposer des solutions adaptées aux réalités de chaque commune. La communication devra être ciblée, interactive, et surtout ancrée dans les préoccupations locales.
En définitive, le FSNC est à un moment charnière. Sa survie dépendra de sa capacité à transformer le bras de fer actuel en levier de mobilisation, à naviguer dans un environnement juridique incertain, et à incarner une alternative crédible au niveau local. Les municipales et législatives de 2025 seront un test grandeur nature. Le parti devra prouver qu’il n’est pas seulement une force de contestation, mais une force de proposition capable de gouverner et de structurer une opposition durable.
Gontran Eloundou
Analyste politique
+237 673 933 132


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