🇨🇲 Cameroun : Le serment contestataire d’Issa Tchiroma, entre légitimité populaire et illégalité juridique
Yaoundé, 6 novembre 2025 — Tandis que le président Paul Biya s'apprête à prêter serment devant l'Assemblée nationale pour entamer un nouveau mandat, une autre prestation de serment, inattendue et contestataire, se prépare en coulisses. Celle d'Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et figure politique militante, qui revendique une légitimité populaire face à ce qu'il qualifie de « confiscation électorale ».
Un acte politique fort : le serment comme rupture
Issa Tchiroma ne se contente pas de dénoncer les résultats du scrutin du 12 octobre. Il entend prêter serment devant la Constitution camerounaise, dans un geste hautement symbolique. Ce serment, bien que non reconnu par les institutions officielles, vise à :
•      Marquer une rupture avec l'ordre établi : en se réunissant en dehors du cadre institutionnel, Tchiroma cherche à découvrir une alternative politique fondée sur la volonté populaire.
•      Interpeller la communauté internationale : en évoquant des violations des droits humains et des fraudes électorales, il espère attirer l'attention de la Cour pénale internationale et des instances africaines.
•      Fédérer une opposition citoyenne : son serment est conçu comme un acte de mobilisation, une invitation à rejoindre un mouvement de contestation pacifique.
Ce geste rappelle les serments contestataires observés dans d'autres pays africains, comme celui de Raila Odinga au Kenya en 2018, qui avait symboliquement prêté serment comme « président du peuple ».
Une légitimité populaire en construction
Depuis l'annonce de cette initiative, trois jours de villes mortes ont été observés dans plusieurs localités du pays : marchés fermés, transports à l'arrêt, rues désertées. Pour Tchiroma, cette mobilisation est la preuve que « le peuple n'a pas voté pour la peur, mais pour le changement ».
Des collectifs citoyens, des dirigeants religieux et des figures de la société civile commencent à relayer l'appel à une résistance pacifique, fondée sur le droit à l'alternance et à la transparence. Sur les réseaux sociaux, des hashtags comme #SermentDuPeuple ou #MandatVolé circulent, accompagnés de vidéos de soutien et de témoignages anonymes.
Cette dynamique populaire, bien que difficile à quantifier, révèle une fracture entre la légitimité institutionnelle et la légitimité ressentie par un parti de la population.
 Une illégalité juridique assumée
Sur le plan institutionnel, cette prestation de serment est juridiquement invalide :
•      Elle n'est pas encadrée par la Constitution, qui ne prévoit qu'une seule investiture présidentielle validée par le Conseil constitutionnel.
•      Elle ne donne lieu à aucun transfert de pouvoir officiel, ni reconnaissance diplomatique.
•      Elle pourrait même être considérée comme un acte de rébellion ou d'usurpation, passible de poursuites.
Mais pour ses partisans, l'illégalité ne signifie pas l'illégitimité. Ils invoquent le droit naturel, la souveraineté populaire et les principes universels de démocratie pour justifier l'acte. Le serment devient alors un outil de dénonciation, un cri politique plus qu'un acte juridique.
Une stratégie de rupture et de pression
Issa Tchiroma ne cherche pas à négocier. Il veut créer un précédent, un choc politique qui oblige les institutions à se repositionner. Son serment pourrait devenir :
•      Un outil de mobilisation internationale, notamment auprès des diasporas et des ONG qui militent pour la démocratie en Afrique centrale.
•      Un levier de pression diplomatique, en cas de durcissement du régime ou de répression des opposants.
•      Un symbole de résistance, à l'image des sentiments contestataires dans d'autres contextes, qui ont parfois ouvert la voie à des transitions politiques.
Ce geste, s'il est suivi d'une structuration politique, pourrait redéfinir les rapports de force au Cameroun, en obligeant les acteurs traditionnels à composer avec une nouvelle forme de légitimité.
Gontran Eloundou
Analyste politique
+237 673 933 132

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