Les élections régionales au Cameroun : le RDPC rafle presque tout on attend l’élection des présidents.

Les élections régionales au Cameroun s'inscrivent dans le cadre de la loi portant Code général des collectivités territoriales décentralisées, adoptée en décembre 2019. Elles constituent une étape essentielle dans la mise en œuvre de la décentralisation, en instituant des conseils régionaux dotés de compétences en matière de développement local et de gestion des affaires régionales. Le processus électoral est indirect, ce qui signifie que les citoyens ne participent pas directement au choix des conseillers régionaux. Le collège électoral est composé des conseillers municipaux et des chefs traditionnels, qui élisent respectivement soixante-dix et vingt conseillers par région, pour un total de quatre-vingt-dix sièges. Cette architecture traduit la volonté de concilier la représentation politique issue des élections municipales avec la légitimité coutumière incarnée par les autorités traditionnelles.
Le scrutin du 30 novembre 2025 a confirmé la prédominance du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, qui a remporté la majorité absolue dans les dix régions du pays. Les résultats officiels indiquent que le RDPC détient environ quatre-vingt-cinq pour cent des sièges au niveau national, consolidant ainsi son hégémonie sur l'ensemble du territoire. Toutefois, certaines régions ont révélé des dynamiques locales plus nuancées. Dans l'Adamaoua, l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès a obtenu trente-quatre sièges contre trente-six pour le RDPC, traduisant une compétition plus serrée et une capacité de résistance de l'opposition. Dans l'Ouest, l'Union Démocratique du Cameroun conserve une présence symbolique, tandis que l'Union des Mouvements Sociaux fait son entrée au Haut-Nkam, illustrant une recomposition partielle du paysage politique régional.
Au-delà de la composition des conseils, la question du leadership régional se pose avec acuité. Selon la loi, les présidents des conseils régionaux sont élus par leurs paires au sein de chaque conseil, lors de la première session de plein droit convoquée après la proclamation des résultats. Le scrutin est organisé à bulletin secret et requiert la majorité absolue des suffrages exprimés pour être validés. En cas de blocage ou d'absence de majorité, une seconde tournée est prévue entre les deux candidats arrivés en tête. Cette procédure confère aux présidents une légitimité interne, mais elle reste fortement conditionnée par les équilibres politiques issus du contrôle régional. Dans la pratique, la domination du RDPC sur la majorité des sièges rend quasi automatique l'élection de ses candidats à la présidence des conseils régionaux, ce qui limite la diversité des profils et renforce l'emprise du parti au pouvoir sur les organes de décentralisation.
Ces résultats et ce mode de désignation soulèvent des interrogations sur la portée réelle de la décentralisation. Si les conseils régionaux sont censés incarner une nouvelle forme de gouvernance locale, leur composition largement dominée par le parti au pouvoir limiter la diversité des voix et la possibilité d'un véritable contrepoids institutionnel. L'opposition, bien que présente dans certaines zones, demeure marginalisée et peine à transformer ses bastions en influence nationale. L'analyse scientifique de ce examen met en évidence un paradoxe : la décentralisation, conçue comme un instrument de démocratisation et de participation citoyenne, se déploie dans un cadre où les mécanismes électoraux renforcent la centralisation politique et la continuité du pouvoir dominant.
En définitive, les élections régionales du 30 novembre 2025 apparaissent comme un moment révélateur de la tension entre les ambitions affichées de décentralisation et la réalité d'un système politique verrouillé. Elles montrent que la construction d'une démocratie locale au Cameroun reste tributaire de la capacité des institutions à garantir une compétition équitable et une représentation pluraliste. L'avenir des conseils régionaux dépendra de leur aptitude à dépasser le rôle de simples relais du pouvoir central pour devenir de véritables acteurs du développement et de la gouvernance territoriale.
Gontran Eloundou
Analyste politique
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