Paul Biya, 60 jours après : stabilité proclamée, incertitudes persistantes

L'examen des soixante premiers jours du huitième mandat de Paul Biya gagne en profondeur lorsqu'on le met en perspective avec les débuts de ses septennats précédents. Cette comparaison permet de dégager des constantes dans sa manière de gouverner, mais aussi de repérer des évolutions significatives liées au contexte national et international.
Lors de ses premiers mandats, notamment dans les années 1980 et 1990, les débuts furent marqués par une volonté affichée de modernisation et d'ouverture. Le discours présidentiel insistait sur la rigueur et la moralisation de la vie publique, dans un contexte où l'État cherchait à se repositionner après la longue présidence d'Ahmadou Ahidjo. Cependant, cette orientation s'est rapidement heurtée aux contraintes économiques et aux ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales, ce qui a limité la portée des réformes annoncées. Les premiers mois de ces mandats étaient donc dominés par une rhétorique de changement, mais la pratique révélait une continuité dans la centralisation du pouvoir.
Au tournant des années 2000, les débuts de mandat se sont inscrits dans une logique de sécurisation du régime. Les premières mesures et discours mettaient l'accent sur la stabilité et la lutte contre les menaces internes, dans un contexte marqué par la montée des contestations politiques et sociales. La personnalisation du pouvoir s'est accentuée, et les cent premiers jours servent essentiellement à réaffirmer l'autorité présidentielle face aux critiques. La dimension économique, bien que présente, était reléguée au second plan derrière la priorité donnée à la consolidation institutionnelle.
En comparaison, les soixante premiers jours du mandat entamé en novembre 2025 apparaissent comme une synthèse de ces dynamiques antérieures. Le discours d'investiture reprend les thèmes classiques de la paix et de la stabilité, mais il intègre désormais une insistance particulière sur l'emploi des jeunes, signe d'une adaptation aux nouvelles attentes sociales. Toutefois, comme dans les mandats précédents, la traduction concrète de ces promesses reste limitée dans les premiers mois, ce qui révèle une continuité dans le décalage entre la parole politique et l'action gouvernementale. La différence majeure réside dans le poids de l'âge du président, qui confère à cette période inaugurale une dimension inédite : celle d'un mandat perçu comme une transition incertaine, où la question de la succession devient centrale.
Ainsi, la comparaison historique montre que les débuts de mandat de Paul Biya obéissent à une logique récurrente : un discours de légitimation centré sur la stabilité et le développement, suivi d'une pratique marquée par la continuité institutionnelle et la personnalisation du pouvoir. Ce qui distingue le huitième mandat, c'est l'accent mis sur la jeunesse et l'économie dans un contexte de fragilité sociale, mais surtout l'omniprésence de la question de la succession, qui transforme les soixante premiers jours en un révélateur des limites d'un système politique arrivé à un tournant.
Gontran Eloundou
Analyste politique
+237 673 933 132
- Vues : 196
