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Cameroun : La désignation des exécutifs régionaux entre norme juridique et enjeux politiques

La journée du 16 décembre 2025 marque une étape importante dans le processus de décentralisation au Cameroun, avec l’élection des présidents des conseils régionaux. Sur le plan légal et normatif, cette désignation s’inscrit dans le cadre fixé par le Code électoral et les lois relatives à la décentralisation. Les conseils régionaux, institués par la Constitution de 1996 mais seulement mis en place en 2020, sont appelés à renouveler leurs exécutifs tous les cinq ans. Le collège électoral est composé des conseillers municipaux et des représentants des chefferies traditionnelles, ce qui confère à cette élection une légitimité hybride, mêlant démocratie représentative et reconnaissance des autorités coutumières. La procédure est encadrée par le ministère de l’Administration territoriale et supervisée par ELECAM, garantissant une conformité aux textes en vigueur. Ainsi, l’élection des présidents régionaux n’est pas une simple formalité : elle constitue un jalon normatif dans la consolidation de la décentralisation et dans l’architecture institutionnelle du pays.

Mais au-delà de l’aspect juridique, cette désignation revêt une dimension éminemment politique. Les exécutifs régionaux sont des acteurs stratégiques dans la mise en œuvre des politiques publiques locales et dans la redistribution des ressources. Le RDPC, parti au pouvoir, entend maintenir son contrôle sur la majorité des conseils régionaux, en reconduisant les présidents sortants et en verrouillant les consignes de vote. L’opposition, quant à elle, voit dans ces élections une opportunité de contester l’hégémonie du parti dominant et de s’ancrer dans certaines régions sensibles. Les enjeux dépassent la simple gouvernance locale : ils touchent à la recomposition des alliances politiques dans un contexte post-présidentielle, à la préparation des futures échéances électorales et à la gestion des tensions entre modernisation administrative et rationalisation des structures. La désignation des exécutifs régionaux devient ainsi un révélateur des rapports de force, où se croisent ambitions locales, stratégies nationales et interrogations citoyennes sur l’efficacité réelle de la décentralisation.

En définitive, l’élection des présidents des conseils régionaux illustre la double nature de la décentralisation camerounaise : un cadre normatif qui cherche à consolider l’État de droit, et un terrain politique où se joue la bataille de l’influence et de la légitimité. Ce moment institutionnel, loin d’être neutre, s’inscrit dans une dynamique de recomposition du pouvoir qui façonnera durablement la gouvernance territoriale du Cameroun.

 Gontran Eloundou
Analyste politique
+237 673 933 132

 

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