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La catastrophe de "Mbankolo": les leçons à tirer pour un nouveau modèle de développement de nos villes.

Comme promis lors de mon article précédent [2] , je vous propose une démarche qui pourrait être une alternative crédible, pour un développement rationnel et harmonieux de nos cités et partant de notre pays.

LE MODELE COLONIAL ET NEOCOLONIAL DE DEVELOPPEMENT DES VILLES.

Lorsqu'on observe la construction de nos Etats, on se demande pourquoi abandonner la plus grande superficie du pays, au profit de la concentration dans des espaces que l'on dénomme les villes. Le reste du territoire en friche s'apparente à des zones sauvages où vivent des ruraux, généralement méprisés et qui pour beaucoup, nourrissent le rêve permanent de quitter le village pour la ville.

Au départ, ce qui s’apparentait à un simple complexe d’infériorité, a pris des allures dramatiques. Il y a 40 ans, on pouvait quitter son village et retrouver un oncle où une tante généreuse qui vous hébergeait en attendant que vous trouviez un petit boulot. A cette époque-là, les villages produisaient des vivres pour les villes. Dans  les villages, il y avait de grands producteurs de cacao, encadrés par l’Office National de Commercialisation des Produits de Base (ONCPB),la SODECOTON (Société de Développement du Coton), pour les cotonniers, etc. Les meilleures vacances pour les enfants que nous étions, étaient celles que l’on passait au village. Durant l’année scolaire, l’on allait se ravitailler au village quand « s’était chaud en ville », en macabos, patates, plantains, bâtons de manioc etc.

Avec le temps, tout a changé. Les villages sont devenus des lieux de misère, abandonnés à des vieillards sans force, tandis que les jeunes sont majoritairement en ville, happés par les vices que leur livre la ville : drogues, alcoolisme, prostitution, banditisme. Ceux qui restent dans les villages sont sur les motos-taxi, et très souvent sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants. La conséquence est que les villages se sont appauvris. 

La ville est un véritable mirage et les candidats à l’exode rural ne tardent pas à l’apprendre à leurs dépens. Ils sont généralement sans formation. Ils vivent pour la plupart en général à la périphérie des villes, les centres urbains leurs étant pratiquement interdits, car, ne justifiant d’aucune qualification. C’est la galère. Entre temps, pendant que l’on suffoque en ville les campagnes sont vides, en friche.

QUELLE POLITIQUE POUR HARMONISER URBANITE ET RURALITE ?

En réalité, ce modèle de développement, héritage colonial et mimétisme néocolonial, a montré ses limites il y a bien longtemps. La plupart des Etats africains, sinon tous, l’ont adopté. Il est peut-être temps, au regard de ce constat d’échec, de reconfigurer le fonctionnement de nos sociétés, pour en assurer l’harmonie.

LA DECENTRALISATION.

La constitution de 1996, issue de la Tripartite[3], avait entre autres innovations, introduit la réorganisation de l’Etat en Régions. Cette disposition avait pris 20 ans à être mise en œuvre. En réalité, il a fallu qu’en 2016, nos compatriotes d’expression anglaise mettent la pression pour que les tenants de l’Etat unitaire centralisé, consentent à diluer leur vin ; en tout cas des compatriotes demandant la sécession aux prix du sang, ont poussé tout le monde au débat qui divisait les sécessionnistes, les fédéralistes, les régionalistes et les centristes. In fine le pouvoir, détenteur de la décentralisation par les Régions[4], a fini par mettre en œuvre la décentralisation.

Nombre d’observateurs ont vu dans cette profonde réforme, une question politique. Au point que l’on est très souvent resté dans la spéculation politicienne. Celle qui génère souvent des débats sans fins et sans fond.  Pour nous, la décentralisation est porteuse d’espoirs pour la société « post- néo-colonie » que nous nous proposons de construire. L’une des maladies de ce modèle étant qu’elle a développé une élite condescendante, imbue d’elle-même, méprisante à l’égard des autres citoyens. Une élite qui croit avoir le titre foncier du Cameroun, qui s’approprie tout. Et comme le modèle actuel a consacré toutes les ressources dans les villes, les emplois et voir même l’argent, les citoyens se comportent comme des essaims d’abeille autour d’une ruche. Ils veulent tous vivre en ville.

L’avènement de la décentralisation devrait pouvoir permettre le transfert d’une grande partie du pouvoir aux collectivités territoriales décentralisées ; notamment, le pouvoir de développer l’économie régionale. Mais gare de ne pas dupliquer dans les régions le modèle que nous récusons.

REDEFINIR LES CONCEPTS.

On a l’impression lorsqu’on évoque les villages, ou plus simplement le monde rural, que cela renvoie à des rudes travaux champêtres, à l’obscurité, au manque d’eau, à des taudis en branchages, à des gueux. Cette image doit changer. Le village doit devenir un lieu agréable ; les travaux de développement agricole doivent être allégés par l’utilisation des machines agricoles. La présence de l’énergie électrique et de l’eau, ne doivent pas relever de l’héroïsme ou d’activités extraordinaires.  En lieu et Place des MINAGRI : ministre l’Agriculture, ou MINADER Ministère De l’Agriculture Et Du Développement Rurale ; nous proposons le Ministère de LA PROMOTION DE L’ECONOMIE RURALE.

Au niveau des citoyens, il faut les rendre propriétaires de leurs terres à travers le cadastrage systématique de leurs terres. Ceci permet de les fixer, dès lors qu’ils se sentent propriétaires. Ils peuvent en toute autonomie, réaliser des transactions avec des tiers.  Nous devons pouvoir aboutir à terme l’exode à urbain, au retour massif des jeunes vers les villages.

FAIRE CONFIANCE AUX COLLECTIVTES DECENTRALISEES.

Il est nécessaire, pour que la politique d’exode urbain aboutisse, de doter les Conseils régionaux de moyens financiers et logistiques conséquents. La loi dispose qu’elles ont droit à 15% du budget National, qui se situe autour de 6000 milliards de FCFA ; soit à peu près 900 milliards, destinés aux Régions. Chaque Région, si on effectue une division simple, prétendre à 90 milliards. A peine 1/6ème du Budget.  On est loin de ce compte. C’est à peine si les conseils régionaux disposent de 4 milliards.

Il est souhaitable pour cela que le mode de ficelage du budget national soit revu. En effet, tout ce concocte à Yaoundé dans des bureaux cossus, sans lien avec la réalité.

 Tout doit désormais partir de la base ; c'est-à-dire qu’il faille instaurer les sessions budgétaires régionales, rassemblant toutes les Mairies autour du Conseil Régional. Lesdits budgets remontent au niveau de l’Etat central. Ce dernier se chargeant de la répartition. 

Il n’y a pas de cohésion dans le fonctionnement des institutions Régions, d’autant plus que l’Etat y est toujours très présent à travers ses services déconcentrés. Les Conseils et les Mairies s’observent d’ailleurs avec méfiance. Ce sont des entités qui à notre avis devraient être structurées dans une parfaite synergie. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Les conseils confectionnent leurs budgets, indépendamment des Mairies et vice-versa.

Les budgets arrêtés seraient alors intégrés dans une politique de développement régional, bien harmonisée, où chaque acteur connait son rôle et dispose des moyens pour accomplir sa mission.

Au-delà du budget de l’Etat, qui représente à peine le 1/3 du Produit Intérieur Brut[5] du Pays, il faut laisser l’opportunité aux régions, d’explorer les richesses régionales et de mettre à contribution ces ressources additionnelles, dans le cadre de leurs stratégies de développement.

PROMOUVOIR L’ECONOMIE RURALE

L’objectif global ici est de rendre attractifs les villages. Pour ce faire il faut promouvoir une économie rurale. C'est-à-dire un lieu où il y a des activités de production (Y introduire les machines agricoles ainsi que des petites unités de transformation des produits du cru, afin de capter les plus- values) et d’échanges (organiser les marchés périodiques, lieu par excellence où se rencontrent l’offre et la demande) ; C’est ce que j’appelle la création des moteurs de prospérité dans le monde rural.

Nous sommes-là, dans le principe physique de l’appel d’air. On suffoque dans les villes. Insufflons de l’oxygène dans l’arrière-pays et les citoyens iront chercher cet air pur.

Ainsi les zones dangereuses que sont les marécages et les flancs de collines se videront, au profit de villages prospères, socle de sécurité alimentaire, de réduction des importations et de développement du .

Joseph Marie Eloundou

Consultant Senior

 

[1] Quartier de la Ville de Yaoundé, capitale économique du Cameroun.

[2] Réponse de la nature aux 44 médaillés de la TASK FORCE. Paru dans yapee le 12 octobre 2023

[3] Assises organisées en 1991 (la Majorité, l’opposition et la Société Civile), suite au blocage imposé par l’opposition radicale, qui exigeait la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine, le pouvoir leur opposa la Tripartite.

[4] Le fédéralisme est également une forme de décentralisation.

[5] Il est estimé à 27 000 milliards.

 

 

 

 

 

 

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Politiques, Société, catastrophe, yaoundé

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