Quand l’opposition trahit l’alternance : autopsie d’un rendez-vous manqué.
L’opposition camerounaise a saboté sa propre transition : entre divisions, silence stratégique et déni de victoire, elle a manqué son rendez-vous avec l’histoire.
Une présidentielle sous tension, un espoir de transition
La présidentielle du 12 octobre 2025 aurait pu marquer un tournant historique pour le Cameroun. Face à un pouvoir vieillissant, une opposition plurielle avait l’occasion d’incarner l’alternance politique tant attendue. Pourtant, malgré un climat favorable à la mobilisation citoyenne, les acteurs de l’opposition ont multiplié les erreurs stratégiques, compromettant toute dynamique de transition présidentielle.
Le refus de coalition : l’égo au détriment du peuple
Onze candidats se sont présentés à cette élection, chacun revendiquant sa légitimité sans jamais envisager une coalition électorale. Malgré les appels à l’unité, aucun front commun n’a émergé. Issa Tchiroma, Maurice Kamto, Libii Cabral et autres figures de l’opposition ont préféré jouer en solo, fragmentant le vote contestataire. Ce refus de coaliser a dilué les forces et offert au RDPC un boulevard électoral. Le mot-clé ici est clair : fragmentation politique.
L’absence de mots d’ordre clairs : une stratégie suicidaire
À l’approche du scrutin, aucun candidat n’a donné de consigne de vote en cas de second tour ou de basculement régional. Les électeurs, désorientés, ont voté sans cap commun. Dans les bastions du Nord, où Issa Tchiroma semblait en position de force, aucun soutien explicite ne lui a été accordé par les autres partis. Cette absence de communication politique a renforcé l’abstention et affaibli la dynamique populaire.
Le déni de victoire de Tchiroma : une opposition incohérente
Le cas Issa Tchiroma est emblématique. Après avoir revendiqué la victoire avec 35,19 % des voix, il a refusé de saisir le Conseil constitutionnel, arguant qu’il « ne fait pas confiance à l’institution ». Ce revirement a semé le doute et démobilisé ses partisans. Pire encore, certains opposants ont refusé de reconnaître sa victoire, préférant dénoncer une mascarade sans proposer d’alternative juridique ou populaire. Ce déni stratégique a tué dans l’œuf toute révolte légitime.
Une mauvaise foi manifeste : entre calculs et sabotage
Plusieurs leaders politiques ont adopté une posture ambiguë, dénonçant les résultats tout en appelant au calme. Certains ont même été accusés d’avoir négocié en coulisses avec le pouvoir pour préserver leurs intérêts. Des rumeurs évoquent des transactions politiques visant à neutraliser la contestation. Cette duplicité a nourri la méfiance et affaibli la crédibilité de l’opposition.
L’échec de la révolte populaire : une responsabilité partagée
Malgré des appels à la résistance, notamment de la part du FSNC, la mobilisation populaire n’a pas pris. Les arrestations ciblées, le manque de coordination et l’absence de leadership clair ont transformé une révolte potentielle en simple indignation virtuelle. L’opposition n’a pas su canaliser la colère citoyenne, ni proposer une stratégie de contestation efficace.
Une opposition en crise : entre désillusion et recomposition
L’échec de cette transition présidentielle révèle une crise de leadership au sein de l’opposition camerounaise. Incapable de s’unir, de communiquer et de reconnaître ses propres victoires, elle s’est sabordée. Les démissions au sein du PCRN, les tensions internes au MRC et les silences stratégiques des figures historiques illustrent une recomposition en cours, mais sans cap clair.
Pour une opposition responsable : leçons et perspectives
Si l’opposition veut redevenir crédible, elle doit tirer les leçons de cet échec. Cela passe par une coalition électorale réelle, une stratégie de communication cohérente, et une reconnaissance mutuelle des victoires locales. La transition politique ne se décrète pas : elle se construit. Et en 2025, l’opposition camerounaise a échoué à la bâtir.
Gontran Eloundou
Analyste Politique
+237 673 933 132
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