Présidentielle 2025 : le vote , Nyong et Kelle, Sanaga maritime les raison du rejet d’Issa Tchiroma.
Malgré leur poids démographique et historique, les Bassa ont boudé Issa Tchiroma lors de la présidentielle 2025, révélant des fractures mémorielles et politiques profondes.
Une communauté stratégique dans l’équation électorale
La communauté Bassa, peuple bantou du Cameroun, représente une force démographique et politique majeure. Répartie principalement dans les départements du Nyong-et-Kellé et de la Sanaga-Maritime, elle constitue un bloc électoral décisif. Avec plus de 575 000 personnes recensées, son poids dans les scrutins nationaux est incontestable. Lors de la présidentielle 2025, ces deux départements ont enregistré 67 % de suffrages pour Paul Biya dans le Nyong-et-Kellé et 44 % dans la Sanaga-Maritime, illustrant un désengagement clair vis-à-vis d’Issa Tchiroma, pourtant présenté comme l’alternative.
Un ancrage territorial marqué
Les Bassa sont historiquement implantés dans le Centre, le Littoral et le Sud, avec des bastions culturels et politiques dans les villes comme Éséka, Makak, Pouma, Ngog-Mapubi ou Édéa. Leur influence dépasse le cadre électoral : ils ont façonné les luttes syndicales, les mouvements indépendantistes et les revendications sociales. Ce territoire, marqué par une forte politisation depuis les années 1950, reste un espace de mémoire et de résistance.
Une mémoire politique marquée par le sang
La guerre du maquis (1955–1971) reste un traumatisme fondateur pour la communauté Bassa. À la suite de l’interdiction de l’UPC en juillet 1955, les militants se sont réfugiés dans le maquis, notamment dans la Sanaga-Maritime. Le leader emblématique Ruben Um Nyobè, originaire de Boumnyébel, fut assassiné en 1958 par les forces coloniales, avec la complicité du pouvoir camerounais naissant. Cette répression brutale, orchestrée sous le premier président Ahmadou Ahidjo, originaire du Nord, a laissé des rancunes profondes. Plusieurs figures Bassa furent traquées, tuées ou réduites au silence.
Une rancune historique persistante
Le souvenir de cette répression n’a jamais été pleinement reconnu par l’État. Pour une partie de la communauté Bassa, le pouvoir central – historiquement dominé par des élites du Nord – incarne une forme de dépossession politique. Cette mémoire douloureuse influence encore les choix électoraux. Le rejet d’Issa Tchiroma, lui-même originaire du Nord et ancien ministre de Paul Biya, peut être interprété comme une réaction mémorielle autant que politique.
Le désamour entre Cabral Libii et le peuple du Nord
Paradoxalement, Cabral Libii, lui aussi candidat en 2025, a vu son image se détériorer dans le Nord, notamment après son procès contre Robert Kona, fondateur du PCRN et originaire de la région. Ce conflit judiciaire, perçu comme une trahison par une partie de l’électorat septentrional, a creusé un fossé entre Cabral et les militants du Nord. Le procès a ravivé des tensions identitaires et territoriales, alimentant un sentiment de méfiance envers un leader jugé trop centralisé et peu respectueux des équilibres fondateurs du parti. Ce désamour politique a contribué à la fragmentation du vote d’opposition.
Une défiance envers les figures du pouvoir
Issa Tchiroma, malgré sa posture d’opposant en 2025, n’a pas su convaincre les électeurs Bassa. Son passé au sein du gouvernement, son alliance avec le RDPC et son absence de discours mémoriel fort ont contribué à son rejet. Dans les fiefs Bassa, il est perçu comme un prolongement du système, incapable de porter les revendications historiques et identitaires de la communauté.
Une communauté en quête de reconnaissance
Les Bassa ne se reconnaissent plus dans les figures nationales qui ignorent leur histoire. Ils réclament une reconnaissance symbolique des massacres du maquis, une valorisation de leurs héros et une place réelle dans les instances de décision. Le vote de 2025 est aussi un cri silencieux : celui d’une communauté qui refuse de cautionner une alternance sans mémoire.
Vers une relecture politique de la mémoire
Pour comprendre le vote Bassa, il faut dépasser les chiffres et interroger les récits. La politique camerounaise reste marquée par des lignes de fracture mémorielles. Tant que les acteurs politiques ne reconnaîtront pas les blessures du passé, ils continueront à échouer dans les territoires où l’histoire n’a pas été digérée. Le rejet d’Issa Tchiroma est moins un refus de l’alternance qu’un refus de l’amnésie.
GontranEloundou
Analyste politique
+237 673 933 132

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