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Marché politique : Cabral Libii se tait, mais tout le monde écoute

Depuis le retrait discret de ses recours devant le Conseil constitutionnel, et les démissions en cascade de plusieurs cadres influents du PCRN, Cabral Libii s’est muré dans un silence aussi épais qu’un brouillard sur le mont Manengouba. À la veille de la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle 2025, ce mutisme intrigue, interroge… et alimente les spéculations. Car dans le théâtre politique camerounais, le silence n’est jamais vide : il est souvent chargé de signaux, de calculs, et parfois… de transactions.

Pour comprendre cette posture, il faut quitter le terrain de la morale politique et plonger dans celui, bien plus cynique, du marché politique. Oui, ce marché où les électeurs sont la marchandise, les acteurs politiques se muent en vendeurs ou en acheteurs, et où les convictions se négocient au prix fort. Dans ce supermarché de la démocratie tropicale, les voix ne se gagnent pas, elles se marchandent. Et parfois, le silence vaut plus cher qu’un discours.

Dans ce marché, Cabral Libii, arrivé troisième selon les résultats provisoires, détient une marchandise précieuse : un capital électoral jeune, urbain, et encore mobilisable. Il n’a peut-être pas gagné la présidentielle, mais il peut peser dans la balance des légitimités. Et dans un contexte où la légitimité vaut parfois plus que la légalité proclamée, son silence devient une monnaie d’échange. Une posture d’attente, de négociation, ou de repositionnement.

Les démissions au sein du PCRN, loin d’être de simples caprices d’égos froissés, pourraient bien être les premiers indices visibles de tractations en coulisses. Certains cadres, frustrés de ne pas avoir été conviés à la table des négociations, préfèrent claquer la porte plutôt que de rester dans l’antichambre du pouvoir. D’autres, plus discrets, pourraient déjà avoir changé de camp, dans ce jeu de chaises musicales où les convictions sont souvent solubles dans les promesses.

Dans cette logique, le silence de Cabral Libii n’est pas une absence, mais une présence stratégique. Il observe, jauge, attend le bon moment pour parler — ou pour ne pas parler. Car parfois, dans le marché politique, le silence est un signal fort, une manière de dire : “Je suis disponible, mais à quel prix ?” Et si l’offre est bonne, pourquoi pas ? Après tout, même les idéaux ont un prix, surtout quand ils sont jeunes et ambitieux.

Ce silence, pourtant, n’est pas sans conséquences. Dans un contexte post-électoral tendu, marqué par des appels à la ville morte, des coupures d’Internet, et une opposition fragmentée, la voix de Cabral Libii aurait pu jouer un rôle d’arbitre, de modérateur, voire de catalyseur. Mais à défaut de parole, il laisse le champ libre aux extrêmes, aux fantasmes, et aux “psychopathes politiques” — pour reprendre une expression récemment popularisée par un ministre en verve.

Le Conseil constitutionnel, quant à lui, s’apprête à proclamer les résultats dans un climat de méfiance généralisée. Et pendant que certains crient à la fraude, d’autres à la victoire, Cabral Libii, lui, cultive l’ambiguïté. Est-ce une stratégie de long terme ? Une manière de se repositionner pour les législatives ? Ou simplement un aveu d’impuissance ? Dans le marché politique, tout est possible, sauf l’innocence.

En définitive, le silence de Cabral Libii n’est pas un trou noir, mais un miroir tendu à notre système politique. Il reflète une réalité où les convictions s’ajustent aux opportunités, où les partis sont des start-ups électorales, et où les électeurs — ces éternels dindons de la farce — sont ballotés entre vendeurs d’illusions et acheteurs de silence. Bienvenue sur le marché. Ici, tout se vend. Même le silence.

Gontran Eloundou

Analyste politique

+237 673 933 132

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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